Introduction : ce qui suit raconte une anecdote de ma vie en 1996 qui m’a assez marqué. Je conçois parfaitement que ça n’intéresse pas grand monde, mais je décide de le publier quand même, parce que j’ai moi-même cherché désespérément des jeunes filles ayant le même problème sans en trouver. Pendant des années. Alors, comme je ne suis ni la première ni la dernière, je voudrais raconter ce qui m’est arrivé pour que d’autres puissent y trouver un certain réconfort, ou me contacter par l’intermédiaire de ce blog. Voilà.
La petite Maritxu est née avec des boutons. Sisi, promis, deux sur le front. Et l’obstétricien à dit à ma mère, dans un éclair de prescience : « cette petite, plus tard, elle aura des problèmes d’acné ».
Bien vu monsieur le docteur, je me serai bien passée de vos prédictions sur mon berceau. J’aurais préféré plus standard, une fée par exemple.
Donc oui, ado, je n’étais pas très jolie à regarder. Ma maman, cette sainte femme, ne voulant que mon bonheur, a décidé de faire quelque chose et de m’emmener chez un dermatologue pour solutionner ce problème boutonnesque. De fait, on en a vu plusieurs. Des qui me disaient que ça allait passer (haha t’es jamais allé au collège avec ma gueule toi !), des qui me donnaient des produits qui ne marchent pas et d’autres qui me donnaient des produits qui me faisaient des boutons sous-cutanés tellement énormes que quand je racontais que je m’étais viandée dans l’escalier, on me CROYAIT. Donc, trois styles différents et autant de déceptions. Et les séances d’épluchage de points noirs sous la lampe en bonus.
Alors nous sommes allées voir une gynécologue, puisque de toutes façons il était temps, j’avais genre 15 ans. Et là, produit miracle : la pilule de régulation hormonale. Diane 35, pour ne pas balancer (ha bon, je l’ai fait ?). Super, plus d’acné, ou très peu. Au contrôle, 6 mois après, la gynéco décide que ça ne va pas assez vite et me prescrit un truc pour dessécher la peau : l’Androcur. Ca a l’air de fonctionner, je suis assez contente. Entre-temps je suis passée au lycée. Oui, parce que des aventures boutonnesques comme ça, ça ne se passe pas en 2 mois, hein, il a fallu que je me les traine quelques années mes furoncles. Bref.
Je suis en première, et un lundi de mars on entame l’endurance. Bon, je n’aime pas ça, mais je ne suis pas mauvaise : à chaque fois qu’il y a eu un cross d’organisé, je suis arrivée dans les 10 premières. Mais là, il se passe un truc bizarre. A la fin du premier tour, je ne sens plus mes poumons. Je halète comme une dingue qui n’a plus de souffle. Je refais un tour. Impossible. Zutre alors. Je m’arrête définitivement. La prof de sport, avec deux sous de jugeotte, voit bien que je ne joue pas la comédie (ça sert finalement de ne l’avoir jamais jouée) et me laisse tranquille jusqu’à la fin du cours, que je reprenne mon souffle. On suspecte une crise d’asthme. Mais je n’en ai jamais eu moi de l’asthme ! Ca peut se déclarer à 16 ans ? Le soir, super maman m’emmène chez le médecin pour vérifier. Ben non, pas d’asthme, ma capacité pulmonaire est énorme, je fais 50 (ml ? cl ? je sais plus) de plus que la moyenne. Donc on ne sait pas. Tant pis, c’est passé, on verra lundi prochain.
Le jeudi soir, j’ai mal à l’aine. Je n’y prête pas trop attention, ce n’est pas vraiment gênant. Je prends un bon bain chaud et on en parle plus, ça va passer.
Le lendemain, ça n’est pas passé, ça a empiré. Je vais en cours, mais à midi, j’ai tellement mal à toute la jambe que je demande un cachet à l’infirmerie (où je n’avais jamais mis les pieds). Et à la première heure de cours de l’après-midi, je tâte ma jambe. Horreur. Elle est toute dure. Je relève mon fut’ : elle est violette. Bon, là il y a un petit souci. Je n’arrive presque plus à marcher, ce sont des copines qui me portent à l’infirmerie. L’infirmière est sceptique : « Ca ressemble à une phlébite, mais tu es trop jeune pour en faire une !» On appelle mon père, qui, par un miracle non encore résolu à ce jour, est allé travailler en voiture. Il peut donc venir me chercher et on fonce chez mon médecin traitant. Qui ne sait pas ce que je peux avoir. En attendant, je me marre, je suis mine de rien en train de sécher tout mon vendredi après-midi ! On va chez un spécialiste qui me dit, enfin :
- Ben tu te payes une belle phlébite ma cocotte.
- Et ça se soigne comment, on prend quoi comme médicaments ?
- Non non, pas de médicament, tu vas tout de suite à l’hôpital, j’appelle le samu.
- Ha ? Et pour combien de temps ?
- On ne sait pas, on te met sous perf tout de suite, on verra comment tu réagis, mais au moins la semaine prochaine.
- Ha mais c’est pas possible ! J’ai plein de contrôles la semaine prochaine moi !
- Mais on ne te laisse pas le choix ma cocotte…
- Heuuuu, au fait, c’est quoi une phlébite ?
Donc on va à l’hôpital, et là où mon père s’est rendu compte que c’était grave, c’est que lui a vu la camionnette des pompiers qui nous a suivie tout le trajet au cas où je mourrais en route. Moi je ne l’avais pas vue, j’étais en train de déconner avec les gars du samu, et de pester parce qu’ils avaient posé ma perfusion sur la main, ce qui n’est pas très pratique.
Ce qui s’est réellement passé, moi je ne l’ai su que très longtemps après, et mes parents, seulement 2 jours après, une fois que l’alerte a été passée. Le lundi, mon manque de souffle était une embolie pulmonaire. J’ai eu les poumons bouchés à 50%. Et j’ai failli mourir ce jour là. Le vendredi, quand la phlébite s’est déclarée, j’ai failli mourir. Et encore les 48 heures qui ont suivies, après le début de la perfusion d’héparine, le temps que ça fasse de l’effet. Qu’on ne m’ait rien dit, à moi, ok, je veux bien. Ca n’aurait rien changé. Mais à mes parents c’est dur. Ils étaient à courir dans tout l’hôpital, à demander pourquoi j’étais en réa alors que je n’avais pas été opérée, qu’est-ce que j’avais précisément etc. Moi je m’en foutais à la rigueur, je n’avais plus mal et ce qui m’arrivait était assez rigolo.
La thrombose que j’ai faite concerne les veines profondes : illiaque, poplité et fémorale. Sur 60 centimètres, de la cuisse au nombril à peu près. Il parait que je n’ai pas fait les choses à moitié. A l’heure actuelle (11ans après), une est encore complètement bouchée, une est semi bouchée et la troisième s’est reperméabilisée. Et on ne peut rien faire : le caillot est trop gros alors on ne peut pas le dissoudre, ce serait dangereux. Pas envie de mourir bêtement d’une rupture d’anévrisme après tout ça ! On ne peut pas enlever les veines bloquées non plus : elles sont trop profondes et il y a trop de linéaire intéressé.
J’ai passé des scintigraphies pour vérifier que l’embolie était totalement résorbée à l’hôpital, et au bout de la deuxième semaine d’hospitalisation, j’ai eu le droit de tenter de m’assoir. Et du coup, j’ai commencé à avoir mal. C’est un mal bizarre, ça ressemble un peu au syndrome des jambes lourdes, mais en cent fois pire, avec des milliers de petites aiguilles partout dans les jambes.
Je suis rentrée à la maison en ambulance (la classe, non ?) et j’ai passé encore un mois à me rééduquer tout doucement, en faisant des marches de plus en plus longues. Mon phlébologue était ravi : je n’avais pas d’œdème, ou très peu, pas de varice parce que je portais scrupuleusement la contention et comme je marchais régulièrement, j’ai même réussi à virer 5 cm de caillot. Wouhou ! En gros, dans mon histoire, j'ai eu toute la chance possible, mais après coup.
Les six premiers mois, j’étais sous coumadine, un anti vitamine K, anti coagulant. Devinez ce que je n’avais pas le droit de manger ? Des épinards, des haricots verts, des choux de Bruxelles… Très très contraignant comme régime ! Le seul truc, c’est qu’il fallait contrôler souvent pour ajuster les doses, et j’avais des prises de sang toutes les semaines. Pas cool. Vers la fin, fallait vraiment chercher une veine potable tellement elles étaient trouées.
Juste pour l’anecdote, quelques années après, mon médecin m’a envoyée faire une cure thermale. Un échec sur toute la ligne. Je suis rentrée en ne voulant plus approcher un vieux à moins de 50 mètres. Ce genre de choses, c’est fait pour les vieux qui ne font rien de leurs journées. Moi j’étais à la fac, je prenais le bus/train/métro tous les jours, alors la marche j’aurais pu donner des leçons à n’importe qui. Et quand on est jeune, ça ne sert à rien d’autre qu’à te plomber tes vacances.
Le plus dur dans toute cette histoire, c’est de ne pas savoir pourquoi j’ai fait ça. On sait à cause de quoi (Diane 35 + Androcur) mais personne ne sait pourquoi. Dans l’état actuel des connaissances (dernier bilan hématologique complet fait en janvier 2006), je n’ai AUCUNE anomalie de la coagulation sanguine. Pas de déficit en protéine C ou S. Pas d’anomalie du facteur F, IV ou autre. Rien.
Donc, par mesure de prévention, quand je serai enceinte j’aurais des piqûres tous les jours. Je suis ravie.
En attendant, je porte des bas de contention comme les vieux, tous les jours. Je ne peux pas marcher sans. Mais on s’habitue en fait, maintenant, ça me fait bizarre de voir une fille les deux jambes nues, j’ai l’impression qu’il lui manque quelque chose !
Mais ne croyez pas que je sois un cas unique. Dans la famille, on est une sacrée bande de déglingos. Un jour, Amaia vous parlera peut-être de son opération du cœur à 3 ans (ou de ce qu’elle s’en rappelle) et Xabi vous racontera comment il a réussi à se casser le sternum avec son menton. Sans toucher aux cervicales. C’est qu’on est forts dans la famille.
Pour preuve, notre médecin traitant ne veut plus nous voir !